« Si donc moi je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi devez vous laver les pieds les uns aux autres » Jean 13.14
Jésus établit un rapport nouveau entre le serviteur et le maître. A un premier niveau, le service est provoqué par la reconnaissance d’un droit qui appelle un devoir. Le droit à la santé, à l’alimentation, au travail, au mariage, à être un papa et une maman, à la sécurité, à la dignité humaine, est inopérable sans notre engagement social et professionnel, sans le respect des règles qui permettent la vie sociale. Ces devoirs nécessitent un supplément d’âme, sans quoi la vie risque de ressembler à l’allumeur de réverbère de Saint-Exupéry. La consigne, c’est la consigne.
Le niveau supérieur serait d’être animé par l’amour du dévouement. Il s’agit de se vouer à une cause, à son travail, à un hobby, à ses enfants, au prochain … Sous des élans généreux, peut se cacher toutefois une volonté de puissance et d’influence, le désir d’être payé de retour, une manière de masquer le désir de reconnaissance et de retour à soi. Le manteau du service dévoué et fidèle peut cacher le désir de faire dépendre l’autre de soi. Déception et amertume sont le salaire de ce don qui, sous l’apparence de la gratuité, se veut payant.
En lavant les pieds de ses disciples, Jésus anéantit cette volonté de puissance, souvent camouflée sous le signe du dévouement. Par ce geste atypique, Jésus anéantit l’espace hiérarchique établi par les hommes. Espace hiérarchique qui peut s’exprimer par une volonté de puissance, ou même de supériorité bienveillante mêlée de mépris (condescendance). Jésus demande plus que de simplement s’abaisser au niveau de celui qui est servi. Il s’agit de retrouver des relations saines entre frères et amis, unis dans une même destinée.
Jésus établit ainsi une égalité de destinée entre le serviteur et le maître. Ils ne doivent pas utiliser de volonté de puissance l’un sur l’autre. La condition du disciple et de l’envoyé doit nécessairement ressembler à celle de Jésus et les amener au don de leur vie au service de leurs frères. Ce texte remarquable par sa profondeur nous dit de ne plus classer les hommes d’après leur statut social, leur compte en banque, leur culture, leur tranche d’âge…
Cette égalité est mise en valeur par l’apôtre Paul : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ. Et si vous appartenez à Christ, alors vous êtes la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse » (Galates 3, 29).