« …Déracine-toi …» (Luc 17.6c)

Encore une fois : oubliez tout ce que je viens de vous dire, pour accueillir une troisième lecture possible de l’allégorie. Et si cet arbre c’était vous et moi ?

En réalité, l’arbre dont il est question, s’il est issu d’un grain de moutarde, n’est pas très fort et pas si majestueux que cela. Jésus a même un peu exagéré lorsqu’il disait ailleurs que même les oiseaux du ciel trouvaient un abri dans ses branches. Mais, j’aime accueillir le regard exubérant du maître de sagesse qui témoigne de la force de son enthousiasme !

Avec un peu de foi comme combustible pour la marche de notre vie, dirait alors Jésus, nous pourrions même envisager de nous déraciner de notre terre.

De quelle terre s’agit-il ? Et si c’était la terre des évidences trop longtemps labourées, des enclos tellement fréquentés au fil du temps et des habitudes que nous nous sommes construits, des enclos aux murs rigides et étroits ? Terre de nos interprétations figées et sclérosées – oubliant que justement la seule écriture que Jésus a tracée, c’est dans la poussière fragile et passagère de la terre !

Oser nous arracher à la terre de nos identités une fois pour toutes définies et délimitées…

Rappelez-vous : Abraham, le père de la foi, est invité par Dieu – alors qu’il a déjà un âge avancé – à tout quitter. Et c’est bien d’un arrachement dont il est question : il doit quitter sa terre, sa culture ainsi que l’environnement de son enfance, le cocon douillet de sa famille et de sa société, une logique bien rodée par les habitudes, pour partir et devenir le nomade de la foi. Si seulement Dieu lui avait montré au préalable une destination sécurisante… Même pas ! Lorsqu’on sait où l’on va, lorsqu’on connaît ce que l’on va trouver, c’est encore acceptable de s’arracher à sa terre. Mais lorsqu’il s’agit de partir sans savoir ce qui nous attend, cela peut sembler insensé… Comme un arbre déraciné qui se plante dans la mer !

A Nicodème, le vieux maître religieux « arrivé », installé confortablement dans la vie, dans ses idées et ses croyances, enfermé sans doute dans sa prison du savoir et dans la sclérose des concepts bien rôdés au fil du temps, mais pourtant conscient d’un vide immense dans sa vie – sinon, pourquoi serait-il venu voir Jésus de nuit? – Jésus disait : « Tu peux naître de nouveau… d’en haut ! » Il l’invite même à acquérir la légèreté du vent qui ne sait ni d’où il vient, ni où il va…

Oser le déracinement…

Une nouvelle aventure de la vie et de la foi. Une nouvelle naissance mais d’un tout autre ordre : d’en haut… Et cet « en haut » reste un infini indéfinissable, qui nous dépasse, comme la mer.

Voilà ce que peut encore nous ouvrir comme perspective cette allégorie de l’arbre qui se déracine pour aller se planter dans la mer…

Thierry LENOIR

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