4 Février – La foi ou le désir de puissance ?

« … plante-toi dans la mer…» (Luc 17.6c)

Oublions maintenant tout ce que je viens de dire précédemment. Non pas pour nous renier, mais pour garder un regard toujours neuf sur un texte qui doit rester vivant, inspiré et inspirant.

Il est donc possible de lire de manière radicalement différente cette allégorie. Exercice difficile, nous l’avons dit, car il est bien mal aisé d’accepter une lecture à plusieurs voix, surtout lorsqu’elles semblent se contredire. Mais n’est-ce pas la seule manière de boire la source d’eau vive… et lui reconnaître cette faculté d’être vivante et libre ?

Revenons à la question des disciples. Avoir plus de foi… C’est bien beau, avons-nous dit. Mais « pour quoi » souhaitent-ils cette abondance de foi ? Pour assouvir quel désir ?

Est-ce un désir de réaliser des choses extraordinaires ? Des choses qui « épatent la galerie » et qui reçoivent l’attention et l’approbation d’une foule admirative qui ne peut que s’exclamer :

« Quelle foi extraordinaire il a ! Quel grand homme de Dieu ! »

Alors on oublie la spiritualité du secret mis en avant par Jésus, au mépris de l’humilité qui est pourtant au cœur de sa spiritualité.

Nous arrive-t-il de désirer plus de foi afin d’être davantage puissant ? Il est dans la nature humaine d’aimer faire des choses extraordinaires. Non seulement cela flatte notre ego, mais c’est aussi un bon moyen pour arriver à nos fins !

Que de désirs de puissances assouvis et masqués sous une apparence de sainteté ! Que de choses accomplie pour flatter notre égo en prétendant « c’est pour Dieu que je le fais ! » Je veux cette responsabilité dans l’église, mais c’est uniquement pour mieux servir Dieu. La mission, le service… Quels magnifiques « faire-valoir » !

Et si, par cette allégorie, Jésus invitait les disciples à réfléchir à leur intention cachée derrière ce désir de plus de foi ? Peut-être était-ce une intention perverse de puissance ?

La suite semble le confirmer. Parce qu’en y réfléchissant bien, l’arbre n’est-il pas mieux à sa place dans la terre que dans la mer ? Il est fait pour la terre, afin qu’il y développe ses racines et qu’il offre son ombrage, afin qu’il fournisse ses fruits. Le plonger dans la mer, c’est le condamner à la mort.

Osons le dire : planter un arbre dans la mer est un acte imbécile et insensé !

« Vous voulez plus de foi ? » dirait alors Jésus. « Mais si vous aviez, ne fut-ce qu’un peu de foi, vous aller encore l’utiliser pour des démonstrations imbéciles et irraisonnables de votre désir de puissance ! Comme par exemple déraciner un arbre – qui est pourtant si bien dans sa terre – pour aller le planter dans la mer… »

D’ailleurs, un arbre dans la mer n’a pas plus de sens qu’une montagne qui se jette dans la mer. Si la montagne se jetait dans la mer, il en résulterait un tsunami dévastateur et meurtrier !

Que d’actes insensés accomplis au nom de la foi…

Thierry LENOIR

3 Février – Du grand avec du petit !

« … vous diriez à cet arbre : Déracine-toi et plante-toi dans la mer ! » Luc 17.6c

Revenons à ce petit « rien qu’un peu » – comme une graine de moutarde – qui est pourtant capable, grâce à Dieu, de déplacer des montagnes – c’est une autre variante de l’allégorie proposée ailleurs par Jésus lui-même (Matthieu 17.20).

Comme nous l’avons dit précédemment, il est déjà bon d’accueillir cette mise en évidence de ce « petit peu » qui, lorsqu’il est mis à la disposition de Dieu, ouvre des possibilités extraordinaires. Les disciples parlent de « plus » de foi, exprimant leur désir d’une foi immense. Jésus parle d’une petite foi. Une foi à ma dimension humaine…

Souvenez-vous : c’était sur les rives du lac de Galilée. Une foule immense buvait les paroles de Jésus, tout au long de la journée. Le soir étant venu, tout ce monde avait faim. Il a suffi qu’un gamin innocent apporte à Jésus son minuscule pique-nique de cinq pains d’orge et deux poissons secs pour que le maître puisse nourrir des milliers de personnes (Jean 6.5-13). Le miracle a pu avoir lieu grâce à ce « petit rien du tout » mis à la disposition du maître. L’enfant, dans sa spontanéité, n’a pas eu honte du ridicule. C’est sans doute pourquoi Jésus aimait tout particulièrement les enfants et qu’il les présentait comme exemples aux disciples. Car le royaume des cieux, selon Jésus, sera peuplé d’enfants… ou de ceux qui leur ressemblent.

Voilà le Dieu que révèle Jésus : celui qui est capable d’accomplir de grands miracles avec nos manques de foi !

Dieu ne peut faire de grandes choses qu’avec des êtres conscients de leur fragilité et de leur petitesse. Moïse a du devenir « incapable » pour qu’enfin Dieu puisse libérer le peuple par lui. Gédéon était complexé et se sentait le plus petit de sa famille et pourtant Dieu lui dira « Va avec cette force que tu as ! » Joseph était un jeune bien fragile devant le géant Goliath, et il l’a combattu avec une simple fronde, laissant même de côté son armure. Josué a dû se séparer des 99% de son armée – de 33’000 hommes il est passé à 300 ! –, pour combattre les dangereux Madianites. « Car, dit Dieu, Israël pourrait s’en vanter à mes dépens et dire :

« C’est ma propre force qui m’a sauvé ! » (Juges 7.2) Pierre à dû couler et renier Jésus à trois reprises pour qu’il réalise qu’il n’était pas un rocher solide mais qu’un tout petit caillou qui roule… et qui parfois coule ! C’est alors que Jésus pourra lui dire : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas tout à fait. Avec cette foi (toute fragile), tu affermiras tes frères ! »

On retrouve, comme une constante, cette foi « grain de moutarde minuscule » capable de grandir comme un arbre puissant.

Paul a si bien compris le message, qu’il s’est écrié : « C’est quand je sais que je suis faible que je suis fort pour Dieu ! »

Cette première lecture de l’allégorie de l’arbre qui se plante dans la mer met donc en évidence les choses extraordinaires que Dieu peut accomplir à travers nous, « malgré » ou plutôt « grâce » à notre foi, pourtant toute minuscule.

Dieu n’a que faire de notre prétendue force qui ne fait que compliquer ses plans, l’encombrer et occulter sa propre force.

Ce qu’il recherche, c’est juste une petite foi qui ose prendre des risques…

Thierry LENOIR

2 Février – La foi « grain de moutarde »

« … si vous aviez la foi comme une graine de moutarde… » (Luc 17.6b)

Quelle drôle d’idée que de comparer la foi à une graine de moutarde ! Avez-vous remarqué que Jésus semble particulièrement aimer cette petite graine ? Ce n’est pas la première fois qu’il fait appel à cette analogie. Il a même comparé le royaume des cieux à cette graine poivrée (Matthieu 13.31). Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle relève le goût et donne du piquant aux aliments qu’elle côtoie !

Il est vrai que le message de Jésus a souvent été édulcoré et rendu dramatiquement douçâtre, voire même fade ! On aime poser délicatement un petit Jésus sucré et somnolant sur les bûches de Noël… Mais cela ne correspond pas du tout au Jésus des évangiles. Même s’il disait qu’il était doux et humble de cœur, son message était incisif comme une lame à double tranchant. Il savait déranger et bousculer son auditoire.

Jésus poivré – ou piquant – n’hésitait pas à annoncer qu’il n’était pas venu apporter la paix sur la terre… mais l’épée ! Une épée qui tranche au sein même des relations familiales (Matthieu 10.34). Il parlait même de la « haine » nécessaire.

Sa parole était souvent piquante et poivrée. Une parole qui dénonçait et reprenait avec force, n’hésitant pas à comparer les religieux à des sépulcres blanchis et à des plats propres à l’extérieur mais remplis d’impuretés à l’intérieur. Il osait même leur lancer au visage ce camouflet musclé : « Race de vipères ! » Jésus poivré…

Il comparait aussi le royaume des cieux – et le royaume intérieur – à cette graine de moutarde qui était appelée à devenir un arbre.

C’est dire combien Jésus aimait voir se manifester chez ses disciples une foi pareillement pimentée et poivrée.

J’apprécie aussi l’insistance de Jésus sur le « peu » de foi. Une graine de moutarde n’est, en fait, pas grand-chose. Dans un autre passage de l’évangile, Jésus précise même que c’est l’une des plus petites graines (Matthieu 13.32).

Par contre, les disciples veulent beaucoup de foi. Une foi solide. Et voici que Jésus parle d’un tout petit peu. Parce qu’il est réaliste le Maître ! Il ne nous demande pas l’impossible. J’aime ce Très-Haut capable de nous rejoindre en étant le Très-Bas.

Mais, en même temps, il met en évidence ce petit peu capable d’accomplir des miracles.

C’est comme s’il me disait : « Tu veux d’une foi exceptionnelle ? Si l’on commençait déjà par quelque chose d’accessible, qui est à ta portée ? De quelque chose qui est juste à ta dimension ? »

Souvenez-vous de la parabole des talents. Jésus précise que l’un des serviteurs reçoit cinq talents de son maître, l’autre deux et le dernier un. Pourquoi cette disparité et cette apparente injustice ? Le texte précise : « A chacun selon sa force ! » Dieu ne nous confie donc rien au- delà de nos moyens. Pourquoi vouloir jouer au héros ?

Nous voulons d’une super foi qui fait de nous des héros de sainteté ? Une « petite foi » lui suffit…

Thierry LENOIR

01er Février – Oser une lecture à plusieurs voix

« Le Seigneur répondit… » (Luc 17.6a)

Il nous faut donc aborder la suite du passage. La réponse de Jésus est déconcertante. Elle nous place face à nos propres ambiguïtés. Ambiguïtés face à nos attentes pour recevoir d’avantage de foi, mais aussi ambiguïté pour interpréter la réponse de Jésus ! Car sa répartie, contrairement à ce qu’il y paraît, n’est pas si simple à interpréter.

Jésus propose une surprenante allégorie : une étrange histoire d’arbre qui se déracine pour aller se planter… dans la mer !

Longtemps j’ai compris cette allégorie d’une certaine manière qui me semblait évidente.

Un jour, une deuxième interprétation totalement contradictoire s’est imposée à mon esprit. Que faire donc avec ces deux lectures d’une même allégorie ?

Puis, un jour, j’ai cru entendre Dieu me souffler à l’oreille une troisième interprétation possible. Encore contradictoire !

Laquelle est la bonne ? Le pire, c’est que je n’en sais rien ! Peut-être est-ce les trois ? Peut- être même est-ce une quatrième qui viendra à votre esprit !

Ce que je puis témoigner, c’est que chacune a été bonne et utile pour moi à un moment de ma réflexion. Peut-être même que la juste interprétation se trouve dans l’accueil de l’ensemble des trois lectures pourtant contradictoires.

Pour me rassurer, j’aime rappeler ici cette pensée du philosophe Alain : « Rien n’est plus dangereux qu’une idée, quand on n’a qu’une idée ! »

Car elle est vivante la parole de Dieu : elle est en marche et met en marche. Elle est une source d’eau vive et non une mare qui stagne. Cessons donc le terrorisme de la pensée unique.

Le peuple juif avait cette sagesse de ne point figer le souffle de Dieu. Il était même prêt à accueillir une parole à plusieurs voix. Par exemple, les fameuses dix paroles gravées par le doigt de Dieu dans le granit du mont Sinaï sont présentées dans le livre de l’Exode (chapitre

20) et dans le livre du Deutéronome (chapitre 5). Fait étonnant, le quatrième commandement n’est pas le même ! Les raisons du sabbat changent d’un texte à l’autre. Ce qui est encore plus étonnant, c’est que le peuple d’Israël n’a pas cherché à harmoniser les deux versions. Preuve de leur ouverture dans l’accueil même d’une parole à deux voix.

Dieu veut que sa parole soit accueillie comme une source toujours vivante et en mouvement. C’est pourquoi Jésus disait : « Il vous a été dit… mais moi je vous dis… »

J’aime ce délicieux reproche que Dieu fait aux fidèles dans le livre de Jérémie (2.13) :

« Déclaration du Seigneur (…) Mon peuple a doublement mal agi : ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive (pensée qui circule), pour se creuser des citernes (pensée qui stagne), des citernes crevassées, qui ne retiennent pas l’eau. »

Cessons donc d’être inquiets en découvrant une parole riche en interprétations diverses, voire contradictoires. C’est un signe de vie !

Lisons donc dans les lignes qui suivent cette réponse mystérieuse de Jésus aux disciples qui souhaitent recevoir plus de foi.

Thierry LENOIR

31 Janvier – Qui est Jésus ?

Jean 3, 1 : « Il y avait un homme appelé Nicodème, qui était du parti des Pharisiens et qui était un chef des Juifs ».

Il est courant de penser que le Christianisme plonge ses racines dans le Judaïsme. Il est vrai que la prédication de Jésus, ses enseignements tirés de la vie quotidienne au moyen des paraboles, les nombreuses allusions au Livre le définissent comme un excellent connaisseur de la pensée religieuse de son temps. Il était normal que son message soit entendu et compris par les hommes et les femmes de son temps.

Mais il a su dépasser les traditions religieuses et donner un sens profond aux commandements de Dieu. Il ne suffit plus de ne pas tuer. Le prochain est à respecter et une simple parole peut le tuer (Matthieu 5, 22). Dans le couple, le cœur est le centre de la bonne entente conjugale et de la fidélité (Matthieu 5, 28). Le Sabbat, que Jésus respectait plus et mieux que les Pharisiens, est là pour le bonheur et l’épanouissement de l’homme (Marc 2, 28).

Jésus résume cela merveilleusement dans Matthieu 5, 20 : « Si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. »

La semence avait été jetée dans le cœur de Nicodème. Cette nuit-là les paroles de Jésus ne se sont pas perdues (Jean 3). Il déjoua le plan des prêtres qui voulaient le mettre à mort (Jean 7,51). On retrouve Nicodème avec Joseph d’Arimathée, lors de la mort de Jésus. Joseph est un disciple. Nicodème s’associe à lui et apporte pour sa sépulture une grande quantité de parfums. Il avait compris que Jésus n’était pas un homme ordinaire.

L’attitude de Jésus envers les hommes de son temps est dans la grande tradition des prophètes d’Israël, dont la prédication est une invitation solennelle et émouvante au retour à Dieu. En proclamant : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée » (Matthieu 22,37 ; Deutéronome 6,5), Jésus est certainement le plus grand prophète de tous les temps, rappelant le fondement de la foi d’Israël.

Pierre L’Eplattenier

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