1er Avril – Chemin vers Pâques

« Alors vous serez fils de votre Père, car il fait lever son soleil sur les méchants et le bons, et il fait pleuvoir sur les justes et les injustes » Matthieu 5 : 45

Le soleil se lève sur les bons et les méchants. La pluie tombe sur les justes et les injustes. Cette chose toute simple est ce que nous avons le plus de peine à accepter.

Nous préférons qu’il y ait des différences. Non pas seulement des différences dans les satisfactions, car nous savons bien qu’il y a plus de satisfactions à être juste qu’injuste. Non pas seulement des différences dans la joie, car nous savons bien qu’il y a plus de joie à être bon que mauvais. A vrai dire, nous préférons que les bons soient mieux traités que les méchants. Mais les épreuves frappent indistinctement tous les hommes sans qu’il soit tenu compte des conditions de vie. Un sentiment de colère nous étreint parfois : Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter une telle épreuve ?

Le psalmiste s’est exprimé à ce sujet dans le livre des Psaumes 73, 2.3 : « Pour un peu, mes pieds allaient fléchir, il s’en est fallu d’un rien que mes pas ne glissent. Car je jalousais les insensés, en voyant la prospérité des méchants ».

Nous serions volontiers pour une religion porte bonheur. Mais voilà, le signe du Christ n’est pas le trèfle à quatre feuilles mais la croix (Matthieu 5, 11.12 ; 10, 16-23). Dieu ne nous élève pas à l’abri de la souffrance, mais au travers de la souffrance : « Je vous ai parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi j’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33).

Le mystère de la souffrance reste bien sûr entier. Mais à défaut d’explication nous avons un signe extraordinaire. Celui que Jésus nous a donné en acceptant la souffrance lors de son procès et de sa mort le jour de Pâques.

Ce jour-là, la vie a été plus forte que toutes les puissances de mort qui règnent en ce bas monde. Et c’est là, le dimanche matin, que nous découvrons que le bonheur d’une vie n’est pas tant d’être tenu à l’écart du vendredi-saint, mais c’est d’avoir dans ce vendredi-saint, un chemin vers Pâques. Alors, n’oubliez pas lorsque vous êtes en chemin, regardez devant vous et autour de vous. La tombe est vide. Jésus est ressuscité. La vie aura le dernier mot.

Pierre L’EPLATTENIER

30 Mars – Lazare et le mauvais riche

« Il y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de fin lin. Un pauvre couvert d’ulcères, du nom de Lazare, était couché à sa porte » Luc 16 : 19.20

Jésus ne donne pas une leçon sur l’au-delà. La pointe de la parabole au verset 31 dévoile ce que Jésus veut dire : un miracle ne convaincra pas le riche et ne l’amènera pas à une conversion.

Au niveau du vocabulaire, les mots « âmes », « enfer », sont absents. Il n’y est nullement question de séparation du corps de l’âme. Lazare et le riche sont tous les deux dans leurs corps et ont des réactions et des besoins physiques. L’abîme dont il est question n’a pas d’équivalent dans l’Ancien Testament.

Il est intéressant de voir que cette parabole se réfère à une histoire connue, celle du conte égyptien qui raconte le voyage de Si-Osiris dans l’empire des morts. Le récit se termine par ces mots : « Qui est bon sur la terre, on est bon pour lui dans l’au-delà, mais qui est méchant sur la terre, on est méchant pour lui (là-bas) ». Les juifs d’Alexandrie ont repris cette histoire qui est devenue l’histoire du «pauvre scribe et du riche publicain Bar Majan ». Le pauvre scribe est enterré sans cortège, alors que le riche l’est en grande pompe. Dans l’au-delà, le pauvre scribe vit dans un magnifique jardin avec de l’eau en quantité. Le riche publicain cherche au bord d’une rivière à atteindre l’eau sans pouvoir y arriver. (1)

Jésus a donc repris une histoire invraisemblable en l’appliquant aux riches pharisiens, qui la connaissaient bien. Les pharisiens considéraient leur situation sociale comme une bénédiction, étant héritiers d’Abraham. Les Lazare n’ont que ce qu’ils méritent. Dans le discours de Jésus, Lazare prend la place du scribe, un comble, et se trouve dans la lignée des fils d’Abraham ; le riche pharisien prend la place du riche publicain Bar Majan. Ce dernier est mis au même rang que ceux qui s’enrichissaient sur le dos du peuple. Il y a ainsi dans cette parabole une pointe polémique.

Jésus ne prend pas position sur les riches et les pauvres. Il n’entend pas donner un enseignement sur l’au-delà. Il ne suffit pas d’être fils d’Abraham, riche et influent, pour jouir des faveurs de Dieu. Les filiations humaines ne sont rien, même celle d’Abraham. Il faut une conversion du cœur, écouter la parole vivante de Dieu. Jésus dit un jour : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4 : 4)

Pierre L’EPLATTENIER

1. Joachim Jeremias, Les paraboles de Jésus

29 Mars – Jésus et la violence

Jésus dit à ses disciples : « que celui qui n’a pas d’épée vende son vêtement et en achète une ». Luc 22 : 36

Cette déclaration de Jésus semble être en contradiction avec d’autres passages sur la non- violence. Le verset 38 réserve une surprise de taille : comment deux épées peuvent-elles suffire dans un combat armé ? Ce seul verset nous incite à aller un peu plus en profondeur. Que voulait dire Jésus ?

Nous remarquons d’abord un changement de circonstances. Au début de leur ministère, les disciples s’en allaient sur les chemins de Palestine sans bourse, ni sac, ni sandales (v.35). D’autres textes des évangiles suggèrent que les disciples recevaient l’hospitalité dans certaines familles (Mt 10, 9). Le maître avait joui pendant plusieurs mois d’une certaine faveur auprès du peuple (Matthieu 5,28.29 ; Luc 7.16), et les disciples étaient couverts par cette réputation et menaient une vie relativement facile.

Le conflit qui allait éclater entre Jésus et les autorités juives a changé cette situation favorable. Le verset 36 marque un tournant dans le ministère du Sauveur et de ses disciples. Ils auront à subir à leur tour le contrecoup de cette nouvelle donne. Afin de leur faire sentir ce changement, le Christ juge nécessaire de les avertir, alors que leur mission s’est accomplie paisiblement jusque-là. Pour Jésus, c’est presque la fin de sa carrière terrestre (verset 37). Il sera arrêté comme un malfaiteur. Lors de son arrestation, un des disciples coupe l’oreille d’un serviteur du souverain sacrificateur. Jésus met de suite fin à ce geste et guérit l’oreille du serviteur (v. 51).

Dans ce contexte quelle sera dès lors la vie des disciples ? Alors qu’ils pouvaient compter sur l’hospitalité bénévole, ils devront payer leur part lors des repas, ils seront traités comme des voyageurs ordinaires et ils rencontreront une hostilité prononcée. Disciples du Fils de l’Homme traité comme un malfaiteur (verset 37), ils seront considérés comme des hommes dangereux, et ils se verront en guerre avec leurs compatriotes et le monde entier (Matthieu 5 : 11.12 ; Marc 13 : 9 ; Luc 12 : 14 ).

L’épée est finalement l’emblème de l’état d’hostilité entre les disciples de Jésus et le monde, mais nullement un état de guerre suscité par les disciples eux-mêmes. Ce serait contraire à l’Evangile (Matthieu 26 : 52-53), à l’enseignement des épîtres de Paul (Romains 12.20).

Jean 16 : 33 est certainement la plus encourageante et la plus belle conclusion à l’interrogation du verset 36 : « Je vous ai parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde »

Pierre L’EPLATTENIER

28 Mars – Le puits de la vie

« Une femme vint puiser de l’eau » Jean 4.7

Dans nombre de pays chauds, le puits est au centre de rencontres humaines, où se discutent les affaires, se disent les bonnes ou mauvaises nouvelles, se nouent les relations. Le puits, c’est la vie, au plein sens du terme.

La Samaritaine de l’évangile de Jean a choisi le moment le plus chaud de la journée pour y venir puiser de l’eau. Elle pense n’y trouver personne. D’ailleurs elle ne cherche à communiquer avec qui que ce soit. La suite du récit met en évidence l’angoisse et la culpabilité qui pèsent sur sa vie. Depuis longtemps, elle se sent pointée du doigt. Elle fuit les regards et les questions indiscrètes. Sa vie se limite entre son foyer et le puits. C’est son horizon. L’avenir est bouché.

Pour aller de Jérusalem en Galilée, Jésus avait le désir pressant de passer par la Samarie. Tout bon juif évite la Samarie, terre considérée comme impure. Jésus, lui, ose briser cette barrière. Au bord du puits à Sichem, il l’attend. De plus, il demande à cette femme de lui donner à boire. C’est le début d’une rencontre qui bouleversera la vie de la Samaritaine. Elle deviendra d’ailleurs le premier missionnaire de cette contrée.

Que se passe-t-il lorsque le regard de Jésus se pose sur cette femme ?

En lui demandant de l’eau à boire, Jésus rompt le cercle infernal des préjugés qui l’enferment dans un état définitif. Jésus semble dire ici qu’il y a assez, en chacun de nous, pour devenir enfant de Dieu. Aussi cette femme, libérée de sa vie cataloguée, accueille le don de Dieu, reconnaissant en Jésus le Messie annoncé par les prophètes.

Ce jour-là, la Samaritaine apprendra également à rencontrer Dieu dans le secret de son cœur, dans la vérité de sa vie. Ce n’est ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim qu’il convient d’adorer Dieu. Ce que Dieu demande ce sont des adorateurs qui adorent le Père en esprit et en vérité.

Jésus se tient encore aujourd’hui au bord du puits de notre vie. Il est alors important de reconnaître où se trouve la source de cette vie.

Pierre L’EPLATTENIER

27 Mars – « Ils respecteront mon fils »

« Il y avait un maître de maison qui planta une vigne » Matthieu 21 : 33

Chaque semaine, les médias nous rapportent des violences commises dans différents secteurs de la vie publique. Violences gratuites et aveugles, manifestation des dérèglements qui font parfois redouter le pire.

Dans Matthieu 21 il est question d’un maître de maison qui plante une belle vigne. Il l’entoure d’une haie, creuse un pressoir et bâtit une tour. Des vignerons entretiennent et gardent la vigne. Un jour le propriétaire décide de partir en voyage. Il part si loin et si longtemps que les vignerons en oublient qu’ils ne sont que des fermiers.

Le moment venu, le propriétaire souhaite récolter les fruits de la vigne. Il envoie trois serviteurs. Mais les vignerons prennent les serviteurs, ils frappent le premier, ils tuent le deuxième et ils font mourir le troisième à coups de pierre. Finalement le maître envoie son fils. Il se dit en lui-même : « Ils respecteront mon fils ». Or il sera assassiné !

Tant de précautions et d’espérance pour une relation qui devrait être ordinaire. Ce défilé de violences nous déconcerte.

Une vigne soigneusement plantée. Un homme attend le fruit de la vigne. Des fermiers ingrats et violents. Le texte est une parabole illustrant l’histoire des relations de l’ancien peuple d’Israël avec les envoyés de Dieu. Il est facile de n’y voir qu’une histoire du passé, sans plus.

Dans nos sociétés de consommation, le monde peut ressembler à une belle vigne. Nous sommes habitués à un certain confort, à une vie quotidienne somme toute plus facile que pour une grande partie de l’humanité.

Sans aller aussi loin que les fermiers de la parabole, nous aimons marteler notre mécontentement. Notre société est marquée par la morosité. Nous ne savons plus reconnaître ce que la vie nous offre, au risque de passer à côté des choses simples et belles.

Pierre L’EPLATTENIER

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